Conseil Constitutionnel 7 août 2025, n° 2025-891 DC
Bref rappel du régime juridique applicable aux espèces protégées
Voir notre article Dérogations « espèces protégées »
1/ Principe d’interdiction : Conformément à l’article L. 411-1 du Code de l’environnement, il est interdit de porter atteinte aux espèces animales protégées, que ce soit par leur destruction, leur perturbation, ou par la destruction ou la dégradation de leurs habitats (art. L. 411-1 du Code de l’environnement).
2/ Dérogation à l’interdiction : Une dérogation à ce principe peut être accordée par l’autorité administrative à condition que trois exigences cumulatives soient satisfaites.
3/ Examen des conditions d’octroi de la dérogation : L’octroi de la dérogation nécessite une évaluation approfondie des impacts potentiels du projet sur les espèces protégées. Cette appréciation intègre notamment les mesures d’évitement, de réduction et de compensation proposées par le demandeur, ainsi que l’état de conservation actuel des populations des espèces concernées.
Ce que prévoit la loi Duplomb : présomption de RIIPM
La loi Duplomb prévoit que les ouvrages de stockage d’eau (les mégabassines) et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés sont présumés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur dès lors que ces ouvrages :
1/ sont situés dans une zone affectée d’un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole,
2/ résultent d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers,
3/ s’accompagnent d’un engagement des usagers sobres en eau,
4/ concourent à un accès à l’eau pour tous les usagers.
Ainsi, ces mégabassines sont présumées remplir l’une des 3 conditions exigées pour obtenir une dérogation “espèces protégées” qui permet à des projets de porter atteinte à ces espèces et leurs habitats.
Ce que dit le Conseil constitutionnel
Tout d’abord, le Conseil constitutionnel considère que ces notions ne sont pas inintelligibles.
Il ajoute 2 réserves d’interprétation :
1/ les prélèvements ne pourront se faire dans les nappes inertielles, mais donc uniquement dans les nappes réactives qui se remplissent et se vident selon un rythme annuel,
2/ la présomption n’est pas irréfragable, elle est donc simple.
En outre, il rappelle que pour bénéficier d’une dérogation “espèces protégées”, les deux autres conditions doivent être remplies :
– l’absence de solution alternative satisfaisante,
– l’absence d’atteinte à l’état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
Qu’est- ce que ça change ?
Une présomption simple versus une présomption irréfragable, qu’est-ce que ça change?
Et bien tout !
Une présomption irréfragable ne peut pas être combattue. Une présomption simple peut être combattue devant le juge.
Cette réserve d’interprétation est donc loin d’être anodine.
Elle n’allait pas de soi, d’autant que la même présomption instituée par la loi du 10 mars 2023, sous certaines conditions, pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables a été qualifiée par le Conseil d’Etat comme étant irréfragable (CE 20 décembre 2024, n° 492185).
Les opposants aux mégabassines pourront donc utilement contester devant le juge l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur attachée à ces projets en se prévalant notamment du contexte local.